Marque végétal local : trois producteurs témoignent
Les freins à son développement se levant peu à peu, grâce entre autres à la sortie d’un cahier technique, la marque prend de l’ampleur. Juliet Abadie, Étienne Levavasseur et Sylvain Tartavez présentent leur démarche de mise en place de gammes dédiées.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Ils sont récemment installés ou à la tête d’établissements déjà marqués par une longue histoire. Ils ont décidé de produire un peu de végétal local en complément de gammes plus diversifiées ou bien au contraire ont fait de ce créneau le fer de lance de leur activité. Ils ont chacun un parcours différent, mais partagent un point commun : ils ont choisi de proposer des végétaux à la marque Végétal local.
De A à Z et 100 % bio
Première d’entre eux, Juliet Abadie est en cours d’installation dans le Finistère, près de Carhaix-Plouguer. Elle a commencé à produire en parallèle de sa formation (BPREA). Sur un hectare dédié à la pépinière, elle projette de produire 40 000 à 50 000 plants, pour en vendre 30 000 à 35 000 par an environ. Après une thèse en écologie forestière et des expériences dans l’enseignement, Juliet choisit le concret et sa passion, transmise par son père paysan : le végétal.
« En tirant ce fil, je suis tombée sur Végétal local, raconte-t-elle. Cette filière est portée par des institutions qui utilisent des arguments forts et les débouchés existent pour des haies bocagères. » Juliet produit des arbres et arbustes. « J’aimerais également proposer des plantes hélophytes, semi-aquatiques, pour intégrer des projets de phytoépuration », envisage-t-elle. Elle aimerait aussi sensibiliser les particuliers. « Je crois que la demande existe. Il faut travailler de façon à rendre l’offre plus visible », affirme-t-elle.
« Je réalise la collecte moi-même, relate-t-elle, car j’ai beaucoup réfléchi, avec Manuel Rousseau (1), sur le morcellement de la filière. Il me semble important de ne pas précariser chaque maillon de la chaîne. Les collecteurs sont très peu rémunérés et la collecte n’est pas rentable car elle prend énormément de temps. Ce qui l’est, c’est d’élever les plants. Effectuer la totalité des étapes rend l’activité viable. »
« Végétal local apporte la traçabilité, et pour moi c’était logique et cohérent de produire en bio, explique Juliet. Il n’y a pas que les pesticides, on utilise aussi la vapeur, par exemple, pour désinfecter les sols. Par ma formation, je connais bien les conséquences des pratiques conventionnelles sur la biodiversité. »
Un autre atout du réseau, c’est l’« interconnaissance », le plus souvent avec de nouveaux installés ayant suivi la formation de l’Afac-Agroforesteries (2). « Nous avons procédé à une répartition intelligente des jeunes exploitations en Bretagne. Armelle s’est installée l’été dernier près de Saint-Brieuc (22), Arnaud au sud de Rennes (35), ainsi nous pouvons proposer des plants très localement », se félicite Juliet. Un des atouts de cette marque est en effet l’ancrage territorial des petites pépinières, dans une volonté de cohérence globale et afin de faire vivre un tissu économique très local.
Des plants bocagers en Normandie
Les Pépinières Levavasseur et fils, à Ussy, dans le Calvados, se sont tournées depuis 2018 vers la marque Végétal local, notamment pour la production de plants bocagers. « La démarche est novatrice et tient la route, explique Étienne Levavasseur. Nous sommes passés, en quatre ans, de quelques espèces à une douzaine de taxons bocagers, une trentaine pour la prochaine saison, destinés à la renaturation et à la création de haies. On a commencé avec les plants de bourrage. Maintenant, nous allons proposer des espèces de haut jet. »
L’entreprise pratique aussi la collecte de graines, essentiellement parce que la région manque de collecteurs et que cette opération assez technique de préparation de la graine n’est pas assez connue. « Je me suis investi dans l’Afac-Agroforesteries pour créer cette filière qui n’existe pas en Normandie (3), regrouper les acteurs, fédérer, faire émerger des récolteurs. Il faut les former, leur expliquer comment collecter, comment préparer les semences. Cela ne peut pas être une activité principale, mais il y a de la place pour tout le monde. On voit émerger des modèles de pépinières différents, souvent en bio, c’est intéressant ! »
À la fois pour des raisons éthiques et en réponse au changement climatique, « c’est un super outil, estime Étienne. C’est une marque qui fait bien passer le message, elle est complètement d’actualité. On assiste à un vrai retour à la nature, intelligent, et qui donne du sens. » Le brassage génétique est un moyen de lutter contre le dérèglement climatique et de satisfaire aux enjeux de biodiversité.
Pour le bocager, la proportion est de 25 à 30 % des plants produits sous la marque Végétal local. L’objectif est d’arriver à plus de 50 %. « Dans une pépinière généraliste, cela représente peu, mais c’est valorisé plus cher. Il y a plus de travail et on n’a pas toujours la même réussite qu’en conventionnel », témoigne-t-il.
Pour une flore adaptée au climat local
« Végétal local est pour moi une belle opportunité de valoriser une flore adaptée aux conditions climatiques locales. La flore sauvage est assez diversifiée pour offrir une palette végétale riche », explique Sylvain Tartavez, responsable chez Pépinières Millet, à Drumettaz-Clarafond (73). Outre la production de plants horticoles, l’entreprise s’est engagée depuis de nombreuses années dans la culture des végétaux d’origine locale. Elle cultive ainsi des plantes aquatiques (roseaux, scirpes, iris, nénuphar) destinés à la restauration des formations végétales du lac Léman.
Elle a également des contrats de culture pour la production de végétaux de landes de montagne. La démarche Végétal local est engagée depuis le printemps 2020, avec une demande d’adhésion pour une trentaine d’espèces d’arbres et d’arbustes à l’automne 2020.
La pépinière réalise aussi la collecte des graines d’espèces ligneuses dans la région d’origine « Alpes ». Les graines et boutures sont prélevées au maximum à une trentaine de kilomètres de la pépinière. « C’est un travail à part entière, qui prend beaucoup de temps en période estivale et automnale, mais c’est très intéressant de pouvoir travailler avec ses propres prélèvements », explique Sylvain Tartavez. La production n’est pas encore commercialisée, mais pourra l’être en partie cet automne. « Nous espérons produire, pour la première année, toutes espèces confondues, entre 20 000 et 30 000 plants. Je souhaiterais bien augmenter peu à peu pour arriver peut-être d’ici cinq ans à une centaine de milliers de plants, confie Sylvain. La demande semble déjà bien présente localement. »
Cécile Claveirole(1) Pépiniériste installé en 2017 à Théhillac (56). Graines de bocage est le référent armoricain.
(2) Association française arbres champêtres-Agroforesteries.
(3) Étienne est aussi président de l’Afac-Agroforesteries Haies et bocage de Normandie. À ce titre, il est très actif pour développer la filière régionale.
Voir aussi Le Lien horticole n° 1109 d’octobre 2021, pages 42 et 43, « Végétal local : en levant des freins bien identifiés, la filière se structure peu à peu ».
Pour accéder à l'ensembles nos offres :