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Relocaliser les fleurs coupées, accueillir et créer…

Dans Paris, deux jeunes femmes ont ouvert des points de vente privilégiant le local et le social. Elles cherchent aussi à former pour redynamiser le tissu de producteurs de proximité.

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Audrey Venant et Mathilde Bignon ont créé leur entreprise Désirée fleurs après avoir opéré une reconversion. Elles travaillaient auparavant l’une dans la distribution, l’autre dans le fromage. Peu de rapport avec l’horticulture, si ce n’est qu’elles ont découvert dans ce secteur « l’amour du travail des producteurs » en rencontrant de nombreux agriculteurs afin de les recruter ultérieurement comme fournisseurs.

Les fleurs comptant parmi leurs passions et leur motivation étant la production lo­cale, elles se sont demandé d’où venaient et comment étaient produites ces tiges qu’elles classaient parmi les produits de luxe, trouvaient chères pour une durée en vase « pas toujours top ». Elles découvrent alors les difficultés de la production française de fleurs coupées, les « émissions de carbone générées par le transport ou le chauffage des serres aux Pays-Bas »…

Se demandant comment elles pouvaient changer les choses, elles ont créé en 2017 leur commerce dans le 11e arrondissement de Paris, comptant parmi les premières à tenter de relancer la fleur fran­çaise, aux côtés d’autres comme Fleurs d’ici (lire Le Lien horticole n° 1085 de mai 2019) ou Masami-Charlotte Lavault (Le Lien horticole n° 1100 de novembre 2020).

Une logique d’approvisionnement local

Leur premier site est à la fois un magasin de fleuriste et un restaurant, car dans leur esprit « il y a toujours eu la volonté d’être un lieu d’accueil et de création, de lien. Un endroit indissociable d’une table autour de laquelle discuter, faire des ateliers, et bien sûr boire et manger ».

Même avec l’ouverture d’un second magasin, dans le 19e arrondissement, le restaurant emploie davantage de monde que les fleurs, mais c’est un concept dans son ensemble, avec une même logique d’approvisionnement local, que défendent fer­mement Audrey et Mathilde.

Depuis leur lancement il y a bientôt cinq ans, elles continuent de constater la disparition du nombre de producteurs hexagonaux, malgré les discours permanents sur le made in France. « Il ne reste qu’entre 300 et 400 producteurs de fleurs coupées aujourd’hui en France. À Rungis, ils sont de moins en moins présents. Si l’on ne commande pas vingt-quatre heures à l’avance, on n’a pas de fleurs », déplorent les deux jeunes femmes, qui ont bien conscience qu’il est de plus en plus diffi­cile de trouver des gens prêts à réaliser de longues journées dans les cultures, mais qui s’investissent pour retrouver des personnes prêtes à s’investir en changeant l’approche du métier.

Elles ont créé pour cela une formation dont l’objectif est de lancer des jeunes avec un concept basé sur un mix entre annuelles et vivaces, en ayant réfléchi aux problèmes de pénibilité. Selon elles, le modèle de production locale sans abri – et donc avec un investissement faible – est à portée de main.

La volonté de relocaliser la production

La vente locale, qui limite les coûts de transport (surtout actuellement !) et évite de diluer les marges à partager entre de trop nombreux opérateurs, est la solution. Avec toujours la même passion, elles rendent visite à leurs producteurs, actuellement une quarantaine en France. Elles racontent leur savoir-faire sur leur site Internet­ (https://desireefleurs.fr/), mais surtout elles les accompagnent en espérant que la prise de conscience du public pour la relocalisation permettra de faire bouger les lignes. Elles cherchent également à guider leurs fournisseurs vers des productions qui se vendent bien et sont dans l’air du temps.

Par ailleurs, Audrey Venant et Mathilde Bignon tordent le cou à l’image que l’on pourrait avoir de leur démarche, qui viserait à s’adresser à une clientèle aisée pour surfer sur une tendance : leurs magasins ont en effet un panier moyen qui se limite à 24 euros et ne réalisent en fleurs que le tiers du chiffre d’affaires d’un fleuriste moyen en France.

Elles n’en tirent pas moins leur épingle du jeu, avec leur matière première qui provient à 90 % d’Île-de-France entre les mois de mai et d’octobre et à 90 % du Var durant l’hiver… Le tout étant complété par des arrivages de Bretagne ou des Pays de la Loire. Évidemment, pour la Saint-Valentin, elles « proposent un bouquet à 30 euros plutôt qu’une rose à 4 €, ce qui peut être jugé cher, mais pas plus qu’ailleurs »…

Leur volonté est donc de relocaliser la production, mais également de proposer des fleurs produites dans de meilleures conditions sociales que ne peuvent l’être celles­ cultivées en Afrique ou bien en Amérique centrale. Cette approche n’est plus tota­lement novatrice, mais ce mouvement, qualifié de slow flower – comme le slow food s’oppose au fast-food – est en train de monter en puissance. Assez vite pour arrêter l’érosion de la production hexagonale ? Les prochaines années le diront  d’elles-mêmes !

Pascal Fayolle

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