Concours de l'ENSP Conception et paysage : des projets multiformes et multiéchelles récompensés

Le jardin éphémère de Mathieu Lucas a testé durant 18 mois la capacité de 130 arbres spécialement choisis et de mobiliers à rafraîchir une place très minérale dans le sud de la métropole grenobloise.
Le jardin éphémère de Mathieu Lucas a testé durant 18 mois la capacité de 130 arbres spécialement choisis et de mobiliers à rafraîchir une place très minérale dans le sud de la métropole grenobloise. ©SML

Le 3e palmarès de la Fédération française du paysage récompense huit dossiers d’envergure qui invitent à (re)découvrir les territoires. Les paysagistes-concepteurs se sont immergés dans des projets visant des petites communes ou des lieux historiques, mais aussi et, c’est nouveau, un paysage marin.

L’École nationale supérieure de paysage (ENSP) de Versailles (78) a accueilli, mercredi 29 mars, les candidats au concours du paysage. Issus des écoles de Versailles, Blois (41) et Bordeaux (33), étudiants ou en activité, huit d’entre eux ont vu leur projet ou réalisation récompensés.

Pour cette édition, le palmarès 2023 est très éclectique, avec des projets financièrement modestes ou plus ambitieux, à petite ou très grande échelle, classiques ou s’ouvrant sur le patrimoine ou un paysage marin. Ils ont illustré des solutions qui valorisent le rôle central de la profession de paysagiste-concepteur aussi bien « dans l’adaptation aux changements climatiques, la relance de l’économie locale, la revalorisation du patrimoine ».

Les lauréats, immergés dans le territoire, ont pour la plupart bien mis en lumière l’intérêt des approches participatives avec la population locale et les concertations collectives avec les autres acteurs dans les projets (élus, architectes, producteurs…).

Le jury était présidé par Henri Bava, président de la Fédération française de paysage (FFP) et paysagiste-concepteur à l’Agence TER. Composé des délégués en région de la FFP, ainsi que de trois personnalités invitées, celui-ci a estimé que les lauréats déjouaient « l’éco-anxiété par des réponses stimulantes et engagées ».

Palmarès 2023…

Mention spécialedans la catégorie « Recherche en paysage »  

Mathieu Lucas (ENSP Versailles et Studio Mathieu Lucas, avec l’agence Peaks) pour sa recherche-action sur un jardin bioclimatique, dans un espace public minéral, à Grenoble (38). Alpes métropole a mis à disposition 200 000 euros pour tester la capacité de rafraîchissement et de dépollution de 130 arbres sélectionnés pour tenir en conditions rudes. Le projet de jardin éphémère « Espace connecteur ou paysage connecté ? » mêle paysage et architecture, une pépinière et un vélum, des capteurs et des mobiliers, le ressenti et les mesures… dans un dispositif réactif, étendu sur dix-huit mois. Animations et arts ont fait vivre l’espace durant l’expérimentation. Avec objectif de reproduire le concept dans la métropole.

© Odile Maillard - Le tandem de Mathieu Lucas avec sa collègue de l’agence d’architecture Peaks (en second plan) a répondu à un projet de recherche avec Alpes Métropole pour maîtrise d’ouvrage.

1er Prix dans la catégorie « Étude urbaine et grand paysage »

Concetta Sangrigoli (Atelier Nous, spécialisé dans les projets d’urbanisme solidaire) pour une étude urbaine, la programmation et la conception d’espaces publics dans le quartier du Morillon, à Montreuil (93). Le projet, doté de 50 000 euros, prévoit de revaloriser des délaissés urbains d’un territoire enclavé, de restaurer des continuités paysagères en phase avec les besoins exprimés par les habitants pour de nouveaux usages ludiques, sportifs, conviviaux.

1er Prix dans la catégorie « Réalisation »

Aurélien Albert (ENSP Blois et Atelier Gama) pour une reconquête du canal de Loumet, à Pamiers (09). En cœur de ville, 1,4 million d’euros ont permis de restaurer un canal historique auparavant recouvert d’un parking. L’asphalte enlevé, le quartier redécouvre une nouvelle relation à l’eau et redonne sa place au végétal. L’espace revit avec des pelouses, des gradins en pierre, un travail autour de la brique et des ferronneries historiques.

Mention spécialedans la catégorie « Réalisation »

Pénélope Haas (ENSP de Versailles) pour un « Aménagement frugal », à Montjoux-la-Paillette (26), dans le parc naturel régional des Baronnies provençales. Le petit budget de 210 000 euros et des économies de moyens ont néanmoins permis d’aborder un projet entre cols, vallées et sommets, pentes et balcons rocheux. Les habitants participent au fleurissement par des espaces jardinés pour redonner une identité villageoise. La conceptrice espère que la démarche essaimera.

1er Prix dans la catégorie « Participation »

Agathe Turmel (ENSP de Versailles et société Pollen paysage) pour le projet « Chemins faisons ! ». De l’Aubrac au Pays basque, sept tronçons symboliques du chemin de Compostelle forment un patrimoine paysager inédit. Un plan de gestion, intégrant la marche et les dynamiques végétales, les pratiques culturales et le changement climatique, veut faire perdurer le rôle social et culturel des chemins.

1er Prix dans la catégorie « Diplôme »  

Simon Metz (ENSNP Blois) pour le projet « Auf dem Weg, viticulteurs et habitants alsaciens face à l'abandon », à Andlau (67). Le piémont viticole du massif vosgien est menacé de friches, à l’instar des séchoirs tabacoles déjà dans la région. Entre anticipation et imagination collective, il a pu proposer des solutions issues d’un dialogue citoyen entre viticulteurs, élus et habitants pour répondre à la question « ruines agricoles ou terrains fertiles ? ».

Mention spécialedans la catégorie « Diplôme »  

Ainhoa Elissalde (Ensap Bordeaux) a choisi de « célébrer la nature, à la mémoire des sorcières basques », à Sare (64). Le projet, rassemblant de multiples disciplines, vise à réhabiliter les femmes victimes de chasse aux sorcières, au XVIIe siècle, alors qu’elles utilisaient leurs savoirs en botanique dans leur médecine populaire. Un châtaignier, une source, une grotte, un if… sont révélés aux détours d’un sentier reliant deux territoires basques.

Prix coup de cœur

Miguel Georgieff (Atelier Coloco, Gilles Clément, Andromède Océanologie) dans un grand « plan de paysage sous-marin » dans le site protégé des calanques, à Cassis et La Ciotat, près de Marseille (13). Une méthode de travail collaboratif alliant de multiples partenaires permet de définir un projet pour la préservation d’un paysage méconnu.

Une délégation d’élèves, en grève depuis deux semaines, profitant de la venue de professionnels pour la remise des prix, a déclamé sa passion pour le métier de paysagiste-concepteur, et pour défendre leur espace d’ateliers fermé la nuit alors qu’ils estiment avoir besoin de ces endroits de créativité 20 h/24 et 7 j/7. Ils ont été chaleureusement applaudis et soutenus.

Avant la remise des trophées, une table ronde a été consacrée à la « multilatéralité d’une profession aux premières loges de la transition écologique ». À découvrir dans des publications ultérieures.

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