Vendre Des pistes pour un commerce horticole à réinventer
Si le marché du jardin est mature et fluctue essentiellement en fonction de la météo, il n’en demeure pas moins que le point de vente est à réinventer pour attirer une nouvelle clientèle.
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Inventée il y a un demi-siècle, la jardinerie traditionnelle a certainement vécu ses plus belles heures. Très marqué « xxe siècle », le concept qui s’est développé jusqu’ici, un magasin monolithique avec ses espaces dédiés à la serre, au marché aux fleurs et à la pépinière en passant par les produits pour le jardin et le duo poteries-substrat, a du mal à s’adapter aux nouvelles attentes des jardiniers. Dans ce contexte, si les ventes de l’ensemble des points de vente en France ont stagné ces dernières années, les producteurs détaillants, qui surfent sur la vague de la recherche d’authenticité, de produits de proximité et de circuits courts, les magasins de centre-ville, proches de la clientèle urbaine plutôt huppée ou encore les ventes éphémères, qui peuvent, avec des charges limitées, proposer des produits bon marché appréciés des plus jeunes, continuent pour leur part de voir leurs parts de marché progresser. La grande distribution grignote aussi régulièrement des parts de marché au détriment du commerce spécialisé et le regroupement des enseignes permet sûrement des économies d’échelle mais pas de vraie relance du marché. Au contraire, diraient même certains producteurs, inquiets de voir aujourd’hui la moitié des jardineries françaises réunies dans le même groupe, ce qui rend les relations entre production et istribution pour le moins compliquées…
En termes d’image, certains points de vente souffrent également d’un aspect un peu daté, marqué par une époque où jardiner signifiait utiliser des produits phytosanitaires, par exemple, massivement rejetés par les jeunes générations. Les conseils donnés aux acheteurs ne sont pas toujours jugés performants et l’offre se retrouve prise en étau, trop chère par rapport aux enseignes non spécialisées capables de manipuler des volumes très importants et des ventes haut de gamme assurées par d’autres circuits. Et le pire est peut-être à venir : certaines jardineries traditionnelles cessant leur activité ont parfois bien du mal à céder le foncier, plombé par un bâti pas facile à réorienter et des charges très lourdes pour le réaménager…
Se construire un univers selon ses goûts
C’est sur cette base que les organisateurs du Salon du végétal prévoient pour la prochaine édition – du 10 au 12 septembre à Angers (49) – un travail sur la réinvention du magasin spécialisé dans le commerce du jardin. Une démarche effectuée avec l’appui de… Manuel Rucar, par ailleurs grand témoin de ce numéro spécial (voir son coup d’œil sur les enjeux du commerce pour les dix prochaines années en page 56). Sans dévoiler avant l’heure le contenu du travail en cours de son agence, Chlorosphère, on peut dire que le tendanceur imagine des points de vente plus inclusifs des métiers de la filière.
Les attentes des nouvelles générations de consommateurs sont de vivre au sein du point de vente une expérience qui les inspire, découvrir des produits dans un show-room puis pouvoir les acheter ensuite pour se construire le même univers selon leurs goûts, leurs moyens ou leur surface à aménager, à l’image de la manière dont sont actuellement vendues les cuisines dans les grandes enseignes d’aménagement ou même de bricolage. Si la simplification du langage est devenue une nécessité, personne en dehors de nos métiers ne sait ce qu’est une serre froide, les consommateurs ont besoin de repères techniques – "dans mon sol je peux planter telle gamme sans prendre de risque" – et donc de conseils efficaces. Le tout dans des domaines qui soient en relation directe avec le jardin, les rayons comme l’alimentaire ne faisant pas partie des attentes dans ce type de point de vente, d’autres secteurs se sont emparés du commerce des légumes frais et bio.
Des sites plus vivants, plus attractifs… et réversibles
La proposition qui sera faite au Salon du végétal portera donc sur des lieux de commerce plus vivants et plus attractifs, réversibles car ils devront pouvoir être consacrés à d’autres activités, rassemblant différents métiers pour une meilleure réponse aux attentes des jardiniers : "j’achète mes plantes mais je peux solliciter les conseils d’un paysagiste pour savoir ou planter dans mon jardin". Mettre en avant les circuits courts, les produits présentant le meilleur bilan carbone et emballés a minima devra aussi faire partie des objectifs. Et attention à la transparence des informations données, car l'attente des consommateurs est de plus en plus forte. Chlorosphère présentera aussi un travail sur la saisonnalité, une réflexion sur les livraisons à domicile, la nécessité de mettre en avant de nouveaux métiers pour offrir un accompagnement complet du client.
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Une vitrine de la durabilité et de l’innovation écologique
Le cabinet de tendance n’est pas le seul acteur de la filière à réfléchir au point de vente de demain. Sans remettre en cause le modèle actuel, la fédération Jardineries et animaleries de France elle-même propose régulièrement sur les réseaux sociaux des réflexions sur le sujet de son évolution. Par l’intermédiaire de son délégué général, Thomas Le Rudulier, elle a posté récemment sur LinkedIn un message dans lequel la proposition est de projeter un modèle « adapté à un futur où la consommation a reculé et où les individus se tournent vers plus de réemploi et de partage ». Il projette une jardinerie de demain « vitrine de la durabilité et de l’innovation écologique ».
Dans ce point de vente, les espaces extérieurs ne sont pas consacrés qu’à la vente mais aussi à la pédagogie et à l’inspiration. Les plantes ne sont plus présentées en rayonnage mais dans des espaces scénarisés. Exit le chariot et la manutention de la plante : la commande se fait par smartphone et les plantes sont soit récupérées sur le parking, soit livrées à domicile, à la manière des meubles ou de l’électroménager dans les magasins dédiés.
Les espaces sont modulables et évoluent au fil des saisons, avec à chaque fois des nouveautés, de nouveaux gestes à montrer aux clients. L’auteur du message imagine même des jardins partagés à l’intérieur même de l’enceinte de l’espace de vie dans lesquels l’amateur peut apprendre les gestes en jardinant, s’initier à la biodiversité ou à l’écologie, tout en participant à l’animation d’un véritable espace de vie.
Et Thomas Le Rudulier de conclure : « En résumé, la jardinerie du futur se profile comme un espace hybride, à la croisée de la technologie, de l'éducation écologique et du lien communautaire. Elle représente un modèle de consommation responsable, où l'achat est réfléchi et l'expérience enrichissante, tout en contribuant activement à un avenir plus vert et durable. »
Tout un programme certainement un peu idéalisé, mais nul doute, que dans les dix prochaines années, le point de vente jardin va profondément évoluer. Sinon, c’est le marché dans sa globalité qui en souffrira !
À retrouver sur notre site internet une vidéo de Manuel Rucar, grand témoin de ce numéro spécial, sur l’avenir du commerce horticole.
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