LA BIODIVERSITÉ, NOUVEL ENJEU DU VÉGÉTAL Adapter les pratiques de gestion… et en parler !
Les espaces verts urbains et périurbains constituent des refuges essentiels à la biodiversité, mais leur gestion doit évoluer. Et il faut communiquer !
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Voilà plus de vingt ans que les pratiques en espaces verts ont commencé à évoluer avec la mise en place de la gestion différenciée. La loi Labbé a accéléré le processus, en supprimant le recours aux produits phytosanitaires de synthèse dès 2017. Son extension en juillet 2022 à la quasi-totalité des espaces publics, puis aux terrains sportifs début 2025, impose, pour tous les gestionnaires, une organisation différente des interventions sur le végétal.
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S’adapter aux spécificités
Visant une optimisation économique et écologique, la gestion différenciée prône une adaptation de la conception et de l’entretien en fonction des caractéristiques spécifiques de chaque site et de son environnement (lire l’encadré ci-dessous). On s’éloigne d’une vision homogène des espaces verts, pour les considérer comme un réseau d’entités avec des attributs (esthétiques, environnementaux, ludiques...) différents, accompagnés de modes de gestion adaptés. La gestion différenciée peut favoriser une diminution des coûts d’entretien à long terme, répondant à une réduction de moyens vécue par de nombreux services espaces verts (SEV), mais elle implique une mise en œuvre complexe.
Il ne s’agit plus simplement de tailler, tondre ou traiter systématiquement et sans considération, mais de savoir si l’opération est nécessaire, de savoir à quelle période elle doit être réalisée pour limiter l’impact sur la biodiversité, de connaître la faune et la flore…
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Une résistance au changement toujours présente
La gestion différenciée, la limitation de l’usage des produits phytosanitaires, ainsi que la baisse des budgets alloués au SEV ont favorisé le retour d’une végétation spontanée et la reconquête de certains espaces en ville. En parallèle, les citoyens ont pris conscience des enjeux écologiques, et l’évolution des mentalités permet une meilleure acceptation de projets qui, il y a encore quelques années, auraient attiré une quantité de réclamations : on se souvient des plaintes sur le « salissement » des trottoirs ou des cimetières...
Malgré tout, la résistance au changement demeure un défi qu’il faut constamment relever. Il faut convaincre les usagers, et parfois également les équipes techniques qui souhaiteraient bien pouvoir « faire comme avant ».
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Communiquer et faire preuve de pédagogie
La communication et la formation sont deux leviers indispensables de la gestion différenciée. Il faut absolument « communiquer sur le changement de pratique et à trois niveaux », insiste Alfredo Pérez, responsable de la régie espace public de Millau* (12), qui a mis en place un plan de gestion différenciée en 2018 :
- auprès des élus (décideurs et porteurs du projet), sensibles aux enjeux économiques. Ainsi, à Millau, la décision d’adopter une gestion différenciée découle d’une volonté politique forte, avec le « zéro phyto » lancé dès 2008 ;
- auprès des équipes techniques ;
- auprès des usagers.
Il est crucial d’expliquer les enjeux et intérêts individuels et collectifs, avant, pendant et après la mise en place. « La communication doit être constante et pédagogique », répétée et multicanale : presse locale, réseaux sociaux, conférences, panneaux…
Pour ces derniers, Alfredo Pérez recommande un jalonnement répété dans les deux sens de circulation, et une vigilance constante face au vandalisme (prévoir le renouvellement). Autre conseil : ne pas hésiter à se faire aider par des spécialistes, « qui arrivent à communiquer mieux que nous ». Millau a fait appel à des partenaires comme l’Amba (Association mycologique et botanique de l’Aveyron) dans le but de cautionner l’impact sur la biodiversité (prospections révélant la réapparition de milliers d’orchidées) et le GDSA (Groupement de défense sanitaire apicole), notamment pour la lutte contre le frelon asiatique.
Autre exemple, la métropole de Nantes (44) vient de lancer, en partenariat avec le centre national d’expertise et de données sur le patrimoine naturel Patrinat, un « observatoire de la biodiversité », qui est une version améliorée de son Atlas de la biodiversité communale créé il y a deux ans. Le nouveau site internet cartographie de manière évolutive la faune et la flore du territoire nantais, dans un objectif de sensibilisation des habitants mais aussi des élus des vingt-quatre communes de la métropole.
Des pratiques pour favoriser la biodiversité
La gestion différenciée implique une transformation des pratiques. En voici quelques-unes mises en place à Millau :
- tonte différenciée : il s’agit d’adapter la hauteur et la fréquence de tonte en fonction des usages et afin de « créer des mosaïques de faune ». Pour éviter l’impression d’abandon, une « amorce de tonte entretenue » (largeur d’une tondeuse, 6 cm de haut) peut être réalisée le long des cheminements. « La densité et la richesse spécifique augmentent avec la baisse de pression de fauche » (mesures avec le protocole Propage) ;
- fauchage tardif : à Millau, 50 % de la surface enherbée est désormais soumise au fauchage tardif (de mars à mi-juin), alors que, auparavant, tout était tondu en juin. Laisser le couvert végétal s’exprimer, notamment au printemps et en été, permet l’accomplissement du cycle de vie des espèces. Il est recommandé de laisser des zones refuges en hiver, tout en gardant en tête les obligations légales de débroussaillement. L’idéal est d’éviter le plus possible le broyage et de privilégier « la barre de coupe ou une motofaucheuse ». Exporter la fauche (en bennes vers des centres de tri, par exemple) contribue à ne pas enrichir le milieu en azote et favorise l’expression d’autres espèces ;
- végétalisation : planter les bonnes essences au bon endroit, végétaliser là où l’on désherbait auparavant (par exemple, dans les cimetières), accepter la végétation spontanée pour limiter l’entretien constant et favoriser la biodiversité, désimperméabiliser pour favoriser l’inflitration de l’eau ;
- paillage : Millau utilise un paillage 100 % végétal ou organique (abandon des paillages minéraux) et privilégie un circuit court. Cela inclut 400 m³ de broyat d’élagage produit en régie, du fumier de cheval issu d’un centre équestre local, et même de la laine de brebis de Roquefort sous forme de toile ;
- écopastoralisme : des partenariats peuvent être mis en place avec des agriculteurs locaux pour l’entretien de certaines zones avec des animaux. Une convention encadre cette pratique – « gratuite et très appréciée des riverains », précise Alfredo Pérez – incluant la protection des arbres, l’accès à l’eau, la disponibilité des agents et la gestion des accès pour les riverains.
*À l’occasion d’un webinaire sur la « gestion différenciée des espaces publics » organisé par Fredon Occitanie le 16 mai dernier.
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