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PALETTE VÉGÉTALE URBAINE Pour planter plus, il faudra recourir à toutes les origines de plantes !

Sous l'égide de l'Office national des forêts, le projet « Esperense » évalue le potentiel d’avenir de différentes essences. Parmi elles, le Quercus castaneifolia, chêne à feuille de châtaignier...

Second volet du compte rendu de la journée « Palette végétale urbaine » du 4 février dernier organisée par Verdir et Valhor. Si tout le monde s’entend sur le fait qu’il faudra changer la gamme de végétaux pour les prochaines années, de nombreuses allusions ont été faites sur le débat entre plantes locales et exotiques…

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La journée « Palette végétale urbaine » du 4 février dernier a cherché à faire passer différents messages auprès du nombreux public rassem­blé : planter plus, plus diversifié, et surtout mettre en adéquation la gamme disponible en pépinière avec les attentes des concepteurs (voir dans Le Lien horticole n° 1144, pages 42 et 43).

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Une grande partie des interventions ont porté sur la migration des plantes, rendue nécessaire par la rapidité du changement climatique, que les professionnels se devront d’assister. Elles ne pourront aller à la vitesse à laquelle elles devraient se déplacer pour s’adapter aux futures conditions de vie, selon les intervenants. Inutile de dire que, lors de cette journée, le travail sur les plantes locales, natives ou autochtones – peu importe –, a largement été battu en brèche. Dans la foulée des discours et des écrits sur les plantes invasives de Gilles Clément, le regard parfois apocalyptique porté sur les envahissantes a souvent été relativisé.

Vincent Fehr, docteur en écologie et intervenant sur les invasives (lire l’encadré ci-dessous), a parfaitement résumé la situation concernant le besoin d’aider les plantes à migrer : le climat change d’un kilomètre par an, le chêne vert ne progresse vers le nord que de 22 à 57 mètres chaque année. Si on ne l’aide pas à atteindre plus vite des régions plus septentrionales, il ne pourra pas résister aux températures du futur dans sa région de prédilection actuelle, le bassin méditerranéen. Selon le chercheur, le chêne vert disparaît en Espagne. Et l’espèce a largement souffert en France des fortes chaleurs des derniers étés, surtout en 2022 et 2023, même si les arbres semblent en meilleure forme actuellement, avec une année 2024 plus pluvieuse.

Le chêne vert n’ira pas à La Hague tout seul !

Yves Darricau, agronome et apiculteur, a aussi largement insisté sur le Quercus ilex, assez emblématique de ce qui s’opère en matière d’évolution de la palette végétale. En marge de son intervention « avec un regard d’abeille » (voir l’édition du mois dernier), il a dressé un bilan des espèces qui pourraient être gagnantes ou perdantes vis-à-vis de l’évolution du climat. Parmi les battus d’avance, le hêtre ou le bouleau. Sur le haut du podium, il cite sans surprise « ceux qui résistent bien à la sécheresse ».

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Un jeu dans lequel le chêne vert, par exemple, pourrait bien être le grand vainqueur. Il pourrait demain se trouver à La Hague (50) ! Pendant ce temps, il risque de disparaître de l’arc méditerranéen. « Il faudra faire des sélections, et accompagner les migrations. Le chêne vert n’ira pas à La Hague tout seul », sourit Yves Darricau.

Les forestiers diversifient déjà leur palette

S’il est un secteur d’activité qui n’a pas attendu pour travailler sur la migration assistée des arbres, c’est bien la forêt. David Chevet, chef de produit national « Arbre Conseil » pour l’Office national des forêts, a expliqué comment son organisme anticipe la gamme des essences plantées dans les forêts pour l’adapter autant que possible à leurs futures conditions.

En raison des évolutions climatiques au cours des siècles, la diversité génétique est relativement faible en Europe : la migration des plantes a parfois été rendue impossible en raison des mers, océans et chaînes de montagne qui cloisonnent le paysage. Si l’on compte 160 espèces de chênes en Asie, il n’y en a que 38 en Europe, liste David Chevet. L’apport de végétaux « exogènes » est donc inévitable aujourd’hui.

Il faut de toute façon relativiser la notion de plante indigène. Si l’on considère les végétaux dits archéophytes, c’est-à-dire introduits en Europe après l’an 1500, la palette des indigènes présentes avant cette date est limitée. Le châtaignier n’est pas indigène en Corse, le marronnier ou le pin parasol ne sont pas non plus originaires de nos contrées…

Reste que les gestionnaires ont pris depuis plusieurs années conscience de la nécessité de faire face à la « tempête silencieuse » à laquelle les forêts font face actuellement. « Il y a plus d’événements climatiques et ils sont plus violents », précise l’intervenant. La forêt est toujours en progression en France, mais 600 000 ha font face à des problèmes de dépérissements. Le nord-est et le centre sont les zones les plus touchées.

Des recherches pour trouver les bonnes espèces

Pour faire face, l’ONF travaille sur plusieurs projets de recherche. L’un d’entre eux, « Giono », consiste à sélectionner dans des forêts de zones sèches, dans les massifs du sud de la France – mont Ventoux ou Sainte-Baume –, des graines de sujets adaptés et à les tester dans la Meuse, près de Verdun.

Un autre projet de recherche est « Esperense », qui évalue le potentiel d’avenir de différentes essences. « On plante pour 200 ans, le choix de départ est crucial », insiste David Chevet. Pour remplacer le chêne pédonculé, par exemple, qui dépérit en Sologne, quelque 140 espèces ont été évaluées selon trente-sept critères. Les principaux facteurs limitants pour intégrer la liste des espèces à planter sont la résistance au manque d’eau et l’excès de froid. Des modèles permettent de prévoir où se situera la zone climatique correspondant à celle d’une région actuelle. Elle sera plus au nord, forcément. Entre 40 et 60 espèces sont testées dans des conditions, en particulier de sol, différentes.

Enfin, on peut citer aussi la plantation par l’ONF d’îlots d’avenir, où des essences sont testées individuellement dans des parcelles de 0,5 à 2 ha. Les données sur la croissance et l’adaptation au terrain de chacune sont alors recueillies.

Ces nouveaux paysages en construction seront plantés d’espèces plus résilientes, plus diverses et plus hétérogènes, a conclu David Chevet.

S’inspirer du secteur de la forêt

La filière horticole pourrait-elle tirer bénéficie d’une telle démarche ? Pourquoi pas, sachant que les contraintes urbaines sont plus importantes que celles de la forêt, mais que la gamme adaptable est peut-être plus large en ville. Si la liste des essences testées par l’ONF est à observer, la démarche l’est peut-être également. Avec une certitude, il faut le plus vite possible tester, tenter des choses, et trier ensuite ce qui fonctionne ou pas. L’essentiel, c’est que la prise de conscience soit opérée !

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